Texte d'Anne Manoli

Caput Mortuum et Gris de Payne

Le ton semble donné...

Profondément humain, Denis Martin a la conscience aigüe de notre finitude. L’essence même de sa peinture se trouve dans son humanité. Par ses dons d’alchimiste, le peintre insuffle à la surface picturale un élan vital : du pigment Caput Mortuum (substance brun rouge violacé dont on ne peut rien tirer selon les chimistes), l’artiste y extrait une lumière ocre et douce qui réchauffe des Gris de Payne (les gris de « peines » de Denis Martin). Se créent ainsi des espaces terreux, aqueux qui respirent par des strates savamment dosées et deviennent aériens. Des formes allusives, végétales, minérales, animales, humaines, des germinations défient la loi de l’attraction terrestre et s’élèvent avec fulgurance ou se trouvent en suspension parées d’une extrême délicatesse. Denis Martin taille l’espace sans concession ou l’effleure d’un geste subtil et raffiné. C’est ce rythme qui apporte une pulsation particulière à sa peinture. Un oiseau posé, reposé, sans vie apparente, nous offre en son flan une ouverture vers une autre dimension infinie. Une aile déployée peut être météorite, vaisseau, nid spatial. Enracinées, déracinées, solitaires, solidaires, les entités de Denis Martin sont ancrées dans l’univers et font apprécier nos fragilités avec force et poésie.

Anne Manoli